Madame, je comprends !
Je comprends carrément le ras-le-bol cité ici parce qu'il n'a le plus souvent aucun sens. Les gamins comprennent presque tout mais ne prennent pas la peine de lire, ni d'essayer le plus souvent par peur, voir par paresse.
Je me souviens d'un cours de gestion des conflits à l'IUFM (le meilleurs cours que j'ai jamais eu là-bas d'ailleurs...) qui expliquait que les élèves ne posent quasiment jamais les questions avec les mots qu'ils devraient. Ils "trichent" en posant une question à côté de ce qu'ils ressentent. (par exemple "ça sert à quoi ?" ne cherche pas du tout l'utilité réelle, mais cherche à vérifier si l'institution représentée par le prof est capable de défendre le savoir qu'elle enseigne, ce qui le rend important. De la même manière, l'enfant de 3 ans qui répète inlassablement "pourquoi?" à tout ce qu'on lui dit, se moque des réponses mais cherche à savoir si elles existent et si on les connait, ce qui le rassure face à l'immensité de son ignorance)
Si je caricature un peu en reprenant ce que le gars nous expliquait, la question "Madame j'ai rien compris... ! " n'est ni une question, ni une affirmation mais l'expression d'une peur. Tout ça me paraissait un peu éloigné du réel mais en fait pas tant que ça. L'élève qui dit ça n'a pas pas lu l'énoncé en vrai, mais il a eu peur de ne pas le comprendre juste en le survolant. Donc, pour ne pas risquer d'être réellement lui-même en face de l'échec, il va le simuler et le provoquer pour en rester maître. "J'ai rien compris !" évite d'avoir à vérifier si on est capable de comprendre et se le prendre dans la gueule en cas de réponse négative... Même si de notre côté c'est difficile à comprendre comment on peut "éviter" un échec en l'affirmant haut et fort... subtilités de la psychologie...
((pour ma part je comprends très bien ça, car étant adolescent, j'avais tendance à bâcler mon travail, ou à le faire à la va-vite la veille en me disant que si j'avais une mauvaise note c'était parce que je n'avais pas travaillé assez ! ce qui m'évitait de risquer d'avoir une mauvaise note quand même en ayant pourtant réellement travaillé au maximum de mes capacités... ce qui aurait été perçu insurmontable pour moi ))
Quoi qu'il en soit en vrai, ce gars-là nous expliquait qu'il était alors judicieux de prendre réellement l'élève au pied de la lettre et de lui montrer qu'il n'avait en fait pas lu l'énoncé ni essayé de réfléchir. Du coup il nous conseillait (et j'ai trouvé que ça marchait plutôt bien) de dire aux élèves : "ce qui compte ce n'est pas ce qu'on n'a pas compris, c'est tout ce que l'on a compris". Et de lui faire lire à voix haute l'énoncé mot par mot, phrase par phrase, pour lui prouver que tout était compréhensible (et qu'il n'avait en fait pas essayé de lire)... (ce qui est une forme de torture psychologique en fait, puisqu'on le fait devant tous les autres...
)
Ensuite, pour ma part je préviens les élèves de ça UNE SEULE fois (car bon, on n'a pas que ça à faire). Je leur dis que la phrase "Je n'ai RIEN compris" entraine systématiquement 2h de retenue pour revoir avec moi TOUT le programme, car les mots ont un sens et qu'il faut se méfier de tout ce qui est un peu péremptoire ou superlatif en sciences... qu'il faut donc voir ce que l'on a compris réellement, et isoler les petits points obscurs pour les faire reformuler si besoin... Et bien je n'ai plus ce genre de phrases ! (mais il faut assumer et vraiment coller au moins un gamin par an qui a quand même lâché la phrase maudite !) effet garanti !
Et si le gamin insiste, je joue à good cop/bad cop tout seul en commençant sur un ton mielleux et bienveillant puis je change mon visage brusquement et je lui dit le plus déterminé possible, "D'accord, si je trouve UN SEUL truc que tu as compris dans l'énoncé, c'est 4h de colle... tu confirmes que tu n'as RIEN compris ?" Non ? alors fais la liste de ce que tu as compris et relève la main quand tu as isolé ce qui te gêne.
Bon, ça nécessite de l'énergie... j'avoue... mais une fois la réputation lancée, on a plutôt la paix.