comment faire cours en collège?

[floguieysse]

Bonjour...
Je m'adresse à vous car je me pose une question d'apparence toute simple, mais qui pour moi relève de la gageure:
Comment faire cours en collège ?
Je m'explique : on est sensés les avoir en classe entière (entre 24 et 31 élèves pour ce que j'ai vu les années précédentes), les faire manipuler dans le calme et en suivant la sacro-sainte démarche d'investigation, les faire progresser, finir le programme, faire des évaluations par compétences, différencier notre enseignement (car collège unique, hein!)...etc
En plus de tout cela, si on ne fait que du collège, on a une dizaine de classes, donc 250 élèves bien tassé, si on compte 2 ou trois pénibles par classe, cela voudrait dire qu'il faudrait voir au moins 30 parents pour les recadrages usuels, ou en tout cas gérer des punitions d'une trentaine d'élèves par semaine...
On doit gérer le matériel SEUL, ce qui nous prend bien plus d'une heure par semaine, et je ne compte plus la fatigue mentale...
Mais.... c'est pas humain !
L'année dernière, j'étais sur deux collèges, cette année je suis sur un seul lycée (TZR AFA). Contrairement à ce que je croyais, je travaille moins (en temps et en énergie) cette année que l'année dernière... Bon, l'année dernière j'étais néotit aussi...
Alors voilà.... Y-aurait-il quelque chose que je n'aurais pas compris ? Comment fait-on pour s'économiser, physiquement, mais surtout moralement ? A quoi ressemblent les cours chez vous ? Personnellement, après avoir passé une année la fleur au fusil à faire de la démarche d'investigation, et à gérer les débordements que ça induisait (bruit, agitation...) entre aussi à cause d'une salle pourrie en U, et très haute sous plafond qui résonnait, je commence à en revenir, et à me dire que c'est aussi aux élèves de la mériter, cette démarche d'investigation. Je trouve aussi que les cours "new age" sont assez "déstructurants" pour les élèves: c'est à eux de trouver les choses importantes, le prof n'est là que pour les "guider"... Mais ils sont petits ces gosses! Moi à leur âge, ça m'aurait bien soûlé de devoir être "acteur de mon propre apprentissage" comme disent tous les pédagogols qui n'ont pas mis les pieds dans un collège depuis des d'années... merci pour vos réponses!

[philippeg]

Ce post provenant du fond du coeur est à faire parvenir d'urgence à l'inspection générale, au ministre et aux candidats à la présidentielles.
Ils en appendrons plus sur le collège d'aujourd'hui que dans un rapport d'expertise à 50.000E!

Personnellement, j'approuve, à la nuance près que mes conditions d'exercices sont moins difficiles que ce que tu décris ici. Mais ça viendra...

A toi de trouver, conformément à ta liberté pédagogique, un juste équilibre, même si ça risque de te coûter un avancement au ralenti.

"Je trouve aussi que les cours "new age" sont assez "déstructurants" pour les élèves: c'est à eux de trouver les choses importantes, le prof n'est là que pour les "guider"
---> Il y a déjà 14ans à l'iufm, lorsque je faisais remarquer à mon formateur, à mot couvert, que des activités diverses et variées desquelles étaient censées émerger des savoirs et savoirs-faire, ç'était certes pédagogiquement intéressant, mais c'était aussi pas évident pour certains élèves dépassés qui auraient besoin d'un cadre un peu plus clair. Il m'a répondu en mettant le doigt sur la bouche, comme pour passer "en off" : "il y aura un rééquilibrage, mais pour faire avancer les pratiques, il faut les présenter comme l'alpha et l'oméga" Ce ne sont pas ses termes exacts (je ne m'en souviens plus), mais c'était l'esprit.
Un bon cours, c'est celui que tu ressens, celui auquel tu crois, celui qui fera pétiller tes yeux, ce qui te permettra d'embarquer tes élèves.
Nul doute que le 100% DI doit faire pétiller les yeux de nombreux collègues, et tant mieux, mais ça ne fait pas pétiller les miens.

[karite]

C'est le genre de message que je n'aurais pas osé écrire mais dans lequel je me retrouve : j'enseigne depuis 9 ans en collège et ces questions sont encore d'actualité pour moi.
Dans un sens, la réponse est très simple : Comment faire cours en collège ?
Et bien, comme on peut, en fonction du caractère des classes et des élèves qui veulent bien (ou pas) laisser travailler la classe, de l'installation de la salle qui n'a vraisemblablement pas été conçue par des enseignants qui y travaillent quotidiennement (la mienne vient d'être refaite et tout a été imposé), avec du matériel en nombre insuffisant si les crédits manquent ou si les collègues précédents ne faisaient que passer dans l'établissement. Et puis cela fait maintenant 3 ans que j'ai bien compris que dans la tête de beaucoup de parents et donc de leurs enfants : la physique, c'est trop dur et c'est une matière secondaire au même titre que les arts plastiques, l'éducation musicale, la technologie...
Contrairement à nos "directives", moi je vois des élèves ravis de "faire" des expériences en suivants des consignes données et ils ne détestent pas forcément une petit morceau de "cours magistral", alors que beaucoup sont souvent perdus et se découragent dès le début d'une démarche d'investigation (rien que cette expression, même pour des adultes, je trouve cela présomptueux à exercer sur des élèves qui n'ont pas d'orthographe, pas de vocabulaire...). C'est vrai aussi que parfois en 5ème l'activité fonctionne assez bien finalement mais dans les autres niveaux : bof. Et puis effectivement elle est source de bruits et d'agitation, alors quelle autre solution que de supporter ce bruit et cette agitation (les punitions ? comment les récupérer en leur donnant du sens en ne voyant les élèves qu'une seule fois par semaine ? )
Pour la gestion du matériel, c'est vrai qu'il faut y consacrer du temps, mais en choisissant d'enseigner une discipline comportant des expériences, on le savait à l'avance. En s'organisant bien et en optimisant le rangement du matériel je m'en sors à raison d'un quart d'heure par classe à peu près en dehors de la préparation de la commande (j'y passe des heures) et pour le nettoyage des tubes à essais (surtout en 3ème avec l'identification des ions).
J'adore "les pédagogols qui n'ont pas mis les pieds dans un collège depuis des années". Ils n'ont aucune idée de ce qu'est un collégien d'aujourd'hui.

[vpinteractif]

bonjour,

Je réfléchis à ta question depuis que je suis en collège. J'ai 54 ans. Ce qui signifie qu'il n'y a pas une réponse mais une réponse différente pour chaque cours. Chaque jour je peux sortir satisfait ou complètement déçu par ma prestation, comme le serait un artiste voyant que les spectateurs réagissent moyennement. Disons que je me considère comme un artiste engagé. Mon discours et ma manière de faire la classe sont politiquement engagés. Ils correspondent à ma vision de ce qu'il faudrait que nos jeunes soient pour que nous ne foncions pas dans le mur.

Je suis certain que c'est cet engagement politique qui me permet d'arriver en classer avec la certitude que tout se passera bien, même si cette certitude est ébranlée au bout d'un quart d'heure, voire moins.

Cela dit, je suis fonctionnaire et à ce titre, je respecte les directives sur la forme et le fond. Je place mon engagement dans cette simple chose: ne pas plaquer de vérités mais les déséquilibrer sur leurs certitudes. Insinuer le doute. Leur faire se poser des questions qu'ils ne se posent plus puisque, actuellement, tout est possible, tout existe sur les écrans, que vouloir ? que désirer ? comment être surpris ?

Je te donne deux exemples: en troisième, mon cours sur la gravitation a cette question pour titre: "comment faire tenir tous les satellites en l'air ?" et commence par la vidéo du décollage d'ariane 5 ...
en quatrième, mon cours sur la combustion a cette question pour titre: "je fabrique de l'eau". Je te promets que je tiens tous mes élèves en haleine !

Beaucoup de pages WEB traitent du sujet. Il n'est pas question de "Comment réussir un cours de physique" mais "Qui sont ces jeunes que nous avons en face de nous, qui es-tu, toi le prof ?".

Je peux quand même proposer une réponse plus précise:

1-le cours doit être ancré dans leur existence: répondre à des questions qui les concernent, les émerveillent ... et aussi qui concernent leur avenir proche (sur quel autre avenir veux-tu être ancré: quelles sont les promesses du marché de l'emploi ? quelles sont les promesses d'un meilleur avenir ?). Tu trouveras des explications sur les sites des neuropsy qui montrent bien que la mémoire est hyper sélective (normal sinon tu te souviendrais de ta première chemise). En gros 1-on ne retient que ce qui nous concerne, 2-nos sens et le traitement effectué par l'intelligence (et en particulier la vue) sont de médiocre qualité.

2-pour retenir, il faut peut-être répéter les choses mais aussi et surtout les ancrer les unes aux autres (ce qui rejoint l'alinéa précédent). La mémoire est une gigantesque pelote de laine dont quelques bouts dépassent. En tirant sur l'un ou l'autre, tu as le reste.

3- "si je veux, je peux" est la pire de toutes les conneries que j'ai jamais entendu. Tu peux toujours convaincre un élève de se mettre au travail, argumenter, raisonner ... au moindre problème psy, sa promesse décroche (sa promesse peut elle-même être le reflet d'un problème psy). Et nous sommes tous bourrés de problèmes psy.

4- des pédago belges ont fait un travail assez intéressant. En résumé, ils ont isolés 4 styles d'apprentissage, c'est leur version, il y en a d'autres.
les I-R (intuitifs réflexifs), les M-R (méthodiques réflexifs), les I-P (intuitifs pragmatiques), les M-P (méthodiques pragmatiques). C'est à dire que nous mémorisons mieux quand le cours donne lieu à réflexion sur nos acquis passés (I-R), réflexion sur des documents (M-R), expérimentation libre (I-P) ou à expérimentation guidée (M-P).
Suppose que tu as des gens qui aiment toucher à tout en face de toi. Si tu leur propose des TP dirigés, ils vont s'embêter et chahuter. Inversement, si tu proposes des TP découverte style "la main à la pate" à des jeunes qui aiment être guidés, ce sont eux qui vont chahuter parce qu'incapables d'initiatives.

Pour conserver la main sur ton groupe, il te faut donc changer de style d'enseignement à chaque cours, ou mieux traverser les 4 modes d'enseignement pendant un cours ! Pour que chacun trouve son compte.

5- les contrôles sont généralement des applications du cours trouvés dans des articles de journal ("un satellite vient de s'écraser sur terre ...", "traitement de l'eau des piscines","nouvelle technologie des phares de voiture"). Passées les questions de cours qui ont l'avantage de leur faire poser leur savoir devant eux, savoir qu'ils réutiliseront dans la réflexion sur le texte (ils sont généralement incapables de travailler dans leur tête, leur faire écrire ce qu'ils utiliseront les rassure), je propose le texte ou un exercice.

Et avec cette mise en pratique, il y a des séances que je loupe lamentablement parce que c'est le printemps, parce qu'il va neiger, parce que je me suis couché trop tard, ...

Bon courage !

mes fiches de cours (support 2010 que je ne réutilise qu'en partie maintenant)
http://www.bzx55c6v2.fr/rfy/college/vpi_doc/
mes réflexions (visite aussi la page Analyse transactionnelle, du quotidien, des explications sur le fonctionnement, les accrochages, ...)
http://www.bzx55c6v2.fr/rfy/college/peda/
le site belge (qui se termine par l'application d'un cours sur les piles applicable en troisième)
http://www2.ulg.ac.be/lem/StyleApprent/StyleApprent_CG/page_01.htm
un site neuropsy PASSIONNANT !!!!!
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_12/i_12_p/i_12_p_con/i_12_p_con.html

[floguieysse]

merci pour vos réponses... J'ai l'impression d'avoir dit tout haut ce que beaucoup d'entre nous pensent tout bas...
Je pense que pour faire la DI en collège, il faut avoir un recul de fou sur sa matière, et je pense aussi que ça n'est pas la panacée, le remède miracle qui va résoudre tous nos problèmes... C'est même plutôt l'inverse: il faut [url]d'abord[/url] tenir sa classe AVANT de faire cette DI... sinon...
Après, il y aussi des classes "avec" et des classes "sans".
Quoi qu'il en soit, je refuse catégoriquement de travailler dans le bruit et l'agitation. Si la DI se passe dans cette ambiance, alors.... Pas de DI!
Ce qui nous aiderait beaucoup, et dont je ne comprends toujours pas pourquoi ce n'est pas le cas, ce serait d'avoir des groupes de TP, et non pas la classe entière...
Enfin, pour arriver à faire un programme qui se tienne avec des DI, des activités variées, il faut de l'expérience, expérience que je n'ai pas encore. J'ai très mal vécu mon année de stage où j'avais l'impression qu'on nous demandait de faire des choses que même des vieux profs ne faisaient pas... Je trouve qu'en expérience d'enseignement, mener des démarches d'investigation est quelque chose de très difficile, (le plus difficile?)... Alors le faire quand on n'a aucune expérience...

[Aranel53]

Je réponds dès que j'ai du temps... il y a pas mal de choses à dire, notamment sur le terme "pédagogols"... mais je n'ai pas le temps pour ça là tout de suite ! à bientôt !

[ooyeah]

Bonsoir,

Mettre un sonomètre lors d'un TP est révélateur du niveau d'une classe : leur réussite vis à vis de nos exigences est inversement proportionnelle au volume sonore dégagé lors des manips.

Cet aprèm, j'ai fait une expérience : "Qui parmi vous à besoin de calme pour bien travailler?" A ceux qui ne lèvent pas la main je dis : Ok donc vous savez travailler dans le bruit. Cela signifie aussi que vous vous fichez de vos camarades de classe sensibles au bruit.

Je crois que ça marche.

Quant à la démarche d'investigation, c'est un super outil. A user avec parcimonie...

[snoopss]

Il y a bcp de vrai dans ce que vous écrivez. Je suis particulièrement d'accord avec le fait qu'il faut faire cours comme on le sent. On fait souvent pour le mieux et en général on a réfléchi à la façon d'aborder les situations. Aussi vrai qu'on n'est pas des machines et qu' un cours est fragile pour plein de raisons (la neige, le soleil , parce qu'on n'était pas en grande forme).

[ooyeah]

4 profils psychologiques d'élèves différents = 4 cours différents...

Ce type de classement systémique est le délire classique dans la psy ou la socio. Voir le DSM qui t'invente 10 000 troubles psychiatriques histoire de mettre un nom sur tout ce que l'être humain peut avoir d'étrange.

C'est bidon, juste le cache misère et une justification de ses ratages. Dans la comédie ya souvent des couacs, des blancs. Le show n'est pas raté pour autant si le texte est bon et le comédien investit!

Bref, beaucoup de blabla tout ça.

[vpinteractif]

Bonjour,
Un petit mot sous le soleil ...

Tant qu'un enseignant est content de ses cours (au sens où sa pratique satisfait ce qu'il s'impose de réussir) il ne trouve rien à redire (ça peut être de passer de bonnes vacances avec ses propres enfants, réussir un cours, sortir un gosse de la misère intellectuelle dans laquelle il vit, rassurer un gosse dont les parents viennent de divorcer).

Dès qu'il se note mal (personnellement) et ceci malgré toutes ses bonnes excuses (société, banlieues, collège, jeunesse ...) il cherche alors à affiner sa démarche pour que son estime de lui redevienne positive ou qu'il ne rentre plus chez lui tous les soirs excédé et mette une volée à ses propres enfants ou à sa compagne qui n'ont été pour RIEN dans son énervement.

Mon leitmotiv est donc celui-ci: instruis-toi de tout, expérimente. Le résultat de ta manière d'être est ce que tu observes. Si ce que tu observes ne te satisfait pas, modifie ton geste. L'essentiel est que tu trouves, parmi les 1000 idées qui te sont données, celle qui TE réussit, à toi personnellement.