Bonjour,
J'ai essayé cette année la classe inversée, en partie pour renouveler ma pratique, pour avoir un fonctionnement hyper-compatible avec le distanciel, et voir si l'argument de mes prédécesseurs "l'essayer, c'est adopter", était vrai. J'avais commencé à faire des vidéos de cours pour le distanciel l'année dernière lors du premier confinement, et c'est cela qui m'a poussé à essayer cette année, en TSTI2D et en 1SpéPC.
Bilan : très satisfaisant pour moi et pour la majorité des élèves. Seul hic : on perd complètement les décrocheurs qui ne font absolument rien chez eux, mais ils sont au final très peu nombreux. Lorsqu’ils reviennent en cours, ils sont complètement à l'ouest et ne peuvent rien faire. Alors qu'avec des explications au tableau, ceux qui sont un peu débrouillards compensent (un peu) l'absence de travail personnel. Je vais chercher des solutions pour l'année prochaine pour ces élèves-là. Certains me demandaient de visualiser la vidéos de cours sur leur portable avec des écouteurs : c’est mieux que de ne rien faire et ça les occupe, même s’ils ne progressent pas vraiment sans exercices.
A l'inverse, beaucoup d'élève progressent, que ce soit les très forts qui finissent à des niveaux stratosphériques puisqu’ils ne sont plus ralentis par l'inertie de la classe, et les moyens qui bénéficient fortement du fait de consacrer beaucoup plus de temps aux exercices et donc à l'apprentissage par la pratique. Je finis donc en grand écart avec des moyennes allant de 4 à 18.
"Explique-moi et j’oublierai, montre-moi et je comprendrais, implique-moi et je retiendrais." Proverbe chinois plus ou moins déformé, vieux comme le monde... et qui marche.
Mon défaut était de trop parler en classe, de trop répondre aux questions (et les élèves en jouaient pour diminuer le temps d’exercice à leurs dépend) et de ne pas laisser assez de temps aux élèves : avec ce système, je me bride naturellement.
Concrètement, voilà ce qui s'enchaine chaque semaine :
- TP "découverte de la notion de la semaine" assez classique, à corriger à la maison, jamais noté (car en phase d'apprentissage) sauf pour des évaluations ponctuelles de compétences expérimentales.
- Travail à la maison n°1 : corriger le TP avec un corrigé en ligne (un TP est ramassé au hasard sans prévenir de temps en temps et la correction est noté (petite note sur 4)
- Travail à la maison n°2 : écouter la vidéo de cours que j'ai faite sur la base de leur manuel « le livre scolaire »
https://www.youtube.com/watch?v=iWA5QgPrXbU&list=PLExhX0CNvmXuKDRB5tsCKiSNPU1f4MIwU&ab_channel=CoursdesciencesphysiquesCoursdesciencesphysiques et en faire une synthèse écrite sur ½ page (genre pompe). Ceux-ci peuvent aussi être ramassés et notés sur 4.
Ces vidéos sont sans prétentions et faites sans aucun montage et donc rien à voir avec des capsules de grande qualité qu'on trouve sur youtube, mais mes élèves s’en sont accommodé. J’espère qu’elles se sont améliorées en cours d’année et il faudrait que je trouve le courage de refaire au moins les premières. Je ne reviens pas sur les avantages d’un support de cours en vidéos déjà maintes fois expliquées par les afficionados de la classe inversée : l’élève visionne quand il veut, où il veut (transport scolaire), à son rythme, en reprenant des passages ….etc. J’ai opté pour un format assez long (20 à 25 min par cours et donc par semaine), alors qu’il est souvent conseillé de faire court pour capter l’attention. J’ai simplement dit en vidéo ce que j’aurais dit en classe, ni plus ni moins. Une évolution possible serait de proposer une seconde vidéo de chaque cours beaucoup plus succincte et l’élève pourrait alors choisir la version courte (mieux que rien) ou longue.
- séance en classe : aucun cours. Liste d’exercices/activités documentaires de difficulté progressive avec corrigés accessibles via leur portable avec un serveur Wifi local (pour ne pas leur faire utiliser leur propre connexion) : ils ont ainsi accès à ma clé USB sur laquelle se trouvent tous les corrigés en pdf. Les élèves font plus ou moins tout en fonction de leur niveau et de leurs ambitions, en zappant parfois les plus faciles pour les plus forts. Moi, je passe simplement aider chacun d’eux et répondre à leurs questions. On pourrait aussi opter pour des corrigés papiers disponibles en fond de classe par exemple. Un élève m’a suggéré de finir quand même la séance avec quelques exercices corrigés au tableau. C’est une bonne idée je pense.
Bref, je suis entièrement satisfait de ce mode de fonctionnement, surtout qu’en distanciel, ça ne changeait pas grand-chose pour la partie cours et exercice : ils pouvaient travailler par groupe sur une plateforme de discussion pour faire leurs exercices comme d’habitude. Pour les TP, j’en ai fait le maximum en présentiel, et certains qui se prêtaient bien à l’usage d’animations ou de logiciels en distanciel.
C’est beaucoup plus reposant pour notre santé mentale de les mettre au boulot 100% du temps en classe. Je pense toujours à la « loi de Muraz », du nom d’un brillant collègue aujourd’hui à la retraite : « Wélève x W prof = constante » et effectivement, avant, plus je fournissais d’énergie en classe, plus je les confortais dans une attitude attentiste et moins active, qui au final ne leur permettait pas de progresser. Pour les puristes de l’éducation à l’ancienne, finalement, ça convient très bien car le magistral revient en force, sauf qu’il est limité dans le temps et sur support vidéo. Dans une vidéo, on peut dérouler sa pensée sans être interrompu par des questions parfois inopportunes qui viennent rompre le fil des idées et embrouillent beaucoup d’élèves. Quant aux questions opportunes, elles peuvent toujours être posées au retour en classe. On perd certes en interactivité, mais on y gagne beaucoup à mon avis.
J’encourage donc les collègues à essayer et je leur dis surtout de ne pas trop se prendre la tête à faire des vidéos ou des capsules trop travaillées. On peut bien sûr trouver de très bonnes vidéos existantes, mais ce n’est à mon avis pas satisfaisant car ce n’est tout simplement pas notre cours à nous et notre façon à nous d’expliquer. Il suffit de prendre notre support de cours perso sur un éditeur de texte ou en pdf, et de lancer un copieur d’écran vidéo centré sur le cours (j’utilise screenpresso : gratuit et très bien ; 600x800 pixel pour ne pas faire de trop gros fichiers). Je commente le cours en pointant avec la souris et basta, comme je ferais en classe. J’ai ensuite opté pour un stylo numérique pour pouvoir avoir plus de possibilités d’explications : c’est très bien, sauf que j’écris très (trop) mal. Encore une fois, c’est très loin d’être parfait, mais ça fait le job, comme disent les anglosaxons.
A tout ceux qui pressentent que ça a l’air intéressant, mais qui ont peur de se retrouver face à une quantité de boulot insurmontable, je dis lancez-vous et ne soyez pas trop exigeants envers vous-même. Vous verrez vite si ça matche ou pas avec les élèves, et la qualité s’améliorera avec le temps (j’espère). et il est toujours temps de revenir à des choses plus classiques si on ne le sent plus.